La plupart des rosés peuvent (et souvent doivent) être consommés dans les 12 mois qui suit leur année millésime. Mais de nombreux rosés sont meilleurs après un an ou deux de garde et certains peuvent même vieillir quelques années pour le plus grand bonheur des papilles ! Faisons le point.
Commençons par évacuer la question pour la quasi totalité des rosés achetés quelques petits euros en hypermarché ou ailleurs, d’une couleur à peine perceptible et qui explosent d’arômes faussement séduisants et totalement artificiels, provenant des levures utilisées pour la vinification mais pas du tout du raisin ! Déjà, il ne faudrait pas les boire, alors les garder…
Nous évoquons donc ici les rosés de qualité, élaborés par des vignerons qui ne produisent pas le vin semi industriel qui a malheureusement envahi nos linéaires et les tables à touristes de notre hexagone !
En ce qui concerne une éventuelle garde, il faut se rappeler que le rosé, qu’il soit produit en pressurage direct ou en “saignée” sur des cuves de vin rouge, est un vin qui reste très peu de temps en contact avec la pulpe et la peau du raisin et qu’il s’agit donc par essence d’un vin sans tanins et doté d’une matière peu dense. De plus, il est la plupart du temps vinifié et élevé (brièvement) en cuve. Il ne possède donc, à priori, aucun des éléments susceptibles d’esquisser la moindre capacité d’un vieillissement, même relativement bref.
Les meilleurs rosés, quand bien même ils sont produits avec beaucoup de soin de la vigne jusqu’en cave, sont des vins vinifiés sur le fruit pour être bus un an après leur récolte. Ce sera particulièrement vrai des rosés de pressurage direct (on presse des raisins rouges et on écoule le jus peu de temps après, avant qu’il ne se colore trop), une méthode qui donne en général des vins assez pâles. Ce sera un peu moins vrai des rosés de saignée : on vinifie des vins rouges et après un jour ou deux, selon le style de vin que l’on veut faire, on laisse s’écouler une petite partie du jus qui sera un peu plus coloré et qui permettra, au passage, de renforcer la concentration des rouges qui vont poursuivre leur vinification. Ces derniers, possédant un peu plus de matière pourront se garder un an ou deux sans perdre leurs qualités de fraîcheur et leurs arômes qui sont moins basés sur le plaisir d’une fruité immédiat et un peu éphémère. Voilà donc pour ce qui constitue l’immense majorité des rosés de qualité.
Les rosés à garder de un à trois ans
Mais il existe tout de même un certain type de rosé qui peut se garder un peu, voire… longtemps. Pratiquement tous les rosés de saignée, qui se reconnaissent presque toujours par leur couleur assez intense, sont meilleurs après un an de garde et peuvent être consommés sur deux ou trois ans, sans qu’ils ne soient “usés”. Ce sera d’autant plus vrai de certains rosés issus de cépages un peu plus tanniques, comme les bandols (qui ont souvent plus de 50% de mourvèdre) ou certains rosés comprenant, par exemple, de la syrah, du cabernet sauvignon ou du cabernet franc. Il y a quelques années, une expérience personnelle sur des rosés comme le Bandol du domaine de La Tour du Bon 2012, le Côtes de Provence “Tibouren Tradition” 2011 ou le Coteaux d’Aix-en-Provence 2011 du Domaine Les Bastides, a montré qu’ils étaient tous bien meilleurs en juin 2014 que l’an dernier à la même époque. N’hésitez donc pas à consommer des cuvées délicates dans l’immédiat et les cuvées plus colorées un an plus tard. On peut consommer dès cet été le Clos Cibonne (cuvée normale), le Rimauresq “générique” et la cuvée “R” , le château Revelette et le côtes-du-rhône 2012 de Laurent Charvin (qui a déjà un an de bouteille). Seront très certainement meilleurs l’été prochain : le Bandol de La Tour du Bon, le côtes-du-roussillon “Les Sorcières” du domaine du Clos des Fées ou le Languedoc “Lou Mast” du domaine d’Aupilhac. Seront sans doute encore plus épanouis avec une année de garde supplémentaire : les bandols du Château Pradeaux et du château de Pibarnon et la cuvée “Baron G” du Château de Bellet.
Les rosés de plus longue garde
Car il y a aussi des rosés de (relativement) longue garde. En général, ce sont des rosés plus longuement macérés (donc très colorés) et élevés plus ou moins longuement sous bois (barriques ou foudres). En France, l’exemple le plus connu est le rosé en appellation Palette du Château Simone qui peut vieillir dix ans et plus. On peut aussi citer les vins de la méconnue appellation champenoise de Rosé des Riceys (un rosé qui évoque beaucoup un rouge bourguignon), le rosé du Mas Jullien (Coteaux du Languedoc), celui du domaine Arretxea (Irouléguy) ou de nombreux vins de Tavel qui, sans être attendus dix ans, sont bien meilleurs après deux ou trois ans de garde. En Espagne, le domaine hyper traditionnel Lopez de Heredia commercialise par exemple son rosé “gran riserva” avec un décalage de millésime dépassant les dix ans ! Le vin passe en effet 4 ans en foudre puis au moins 6 ans en bouteille avant d’être proposé aux amateurs. Il faut reconnaître que ce type de rosés consommés après un vieillissement d’au moins dix ans, s’adresse à des palais avertis car leur aromatique sur la rose fanée avec des touches légèrement oxydatives peut dérouter ceux qui apprécient les rosés au fruité explosif ! Mais à table, ce sont des vins magnifiques de délicatesse qui accompagnent par exemple merveilleusement une belle viande de veau ou une volaille rôtie.