A la tête de la maison Robert Moncuit, fondée par son grand-père maternel, Pierre Amillet extrait « le meilleur du terroir ». Fortement influencé par la Bourgogne qu’il aime tant, il signe, année après année, de grands champagnes à la fois mûrs et tendus ainsi que des cuvées millésimées, taillées pour la garde. Et ce, grâce à des méthodes de culture soignées et de vinification incluant une fermentation malolactique, un élevage sous-bois (non neuf) et une absence de dosage. Récit tiré d’une conversation privilégiée avec le vigneron.
« Petit, je traînais déjà dans les pattes de mes parents »
Petit, Pierre Amillet baignait déjà dans le vin, « traînant dans les pattes de [ses] parents ». Sa volonté de devenir vigneron dès le collège ne surprit donc personne, si bien qu’il se dirigea vers le Bac Professionnel viticole d’Avize avant de reprendre le domaine familial en 2000, propriété fondée par son grand-père maternel Robert Moncuit, reprise par ses parents dans les années 1980.
Sous son impulsion, la conduite du domaine change de visage. La viticulture conventionnelle devient plus « durable et organique » jusqu’à être certifiée bio depuis 2022. Les désherbants n’ont donc pas leur place dans les vignes dont les sols sont labourés « comme au temps de nos grands-parents ». Les rendements sont raisonnés par une taille courte et le palissage demande un soin particulier afin d’aérer chaque grappe pour éviter toute maladie. « Le travail est obligatoirement bien fait pour ne pas avoir à intervenir au cours de la vinification. »
9 hectares de Grands Crus champenois
Sept personnes œuvrent à temps plein sur cette propriété de neuf hectares qui ne recensent que des grands crus. Les vignes s’épanouissent sur le terroir argilo-calcaire du Mesnil-sur-Oger qui se caractérise par des sols peu profonds : 25 cm de terre végétale reposant directement sur des carreaux de craie. Autant d’éléments qui confèrent une minéralité formidable aux vins. En plus d’offrir cette fameuse acidité, le calcaire joue effectivement un rôle d’éponge, fournissant de l’eau aux racines, même en période de sécheresse. Le stress hydrique n’est donc pas craint.
Une vinification peu interventionniste pour des vins de terroir
Après une culture soignée, les raisins sont récoltés à la main, à très bonne maturité (entre 11 et 12°) : plus un raisin est mûr, plus le nombre de levures contenu sur sa pellicule est important. Pierre Amillet est donc toujours l’un des derniers du village à vendanger.
Arrivées en cave, les grappes sont pressées directement et s’en suit un débourbage statique d’une douzaine d’heures. Le jus est ensuite mis en fûts au sein desquels s’enclenche naturellement la fermentation alcoolique au bout de trois ou quatre jours, et pour trois semaines environ. Le suivi est minutieux : les densités et températures sont contrôlées quotidiennement. Pierre Amillet n’intervient pas, c’est un vrai vin de terroir qui se créé dans le secret. L’élevage sur lies s’étale sur dix mois, de septembre à juillet. Dix mois au cours desquels se déclenche la fermentation malolactique qui peut, parfois, s’arrêter en hiver et reprendre au printemps. Cette étape se déroule dans des fûts de trois ou quatre vins acquis auprès de vignerons bourguignons (Meursault, Chassagne-Montrachet).
Afin de préserver la fraîcheur et l’acidité naturelle des vins, le travail se fait habituellement par gravité. Ainsi, le seul et unique soutirage se fait lors de la mise en cuves des vins en juillet. Une fois mis en bouteille, le vin mature sur lattes pendant au moins trois ans pour la cuvée Les Grands Blancs et au moins cinq ans pour les lieux-dits. Le vin s’arrondit et « se met en place » sereinement. Remuages et dégorgements s’en suivent mais, depuis 2020, le domaine ne dose plus ses vins car jugés suffisamment mûrs et épanouis et n’ajoute plus de sulfite non plus.
Des champagnes de (très) grande garde
« Mes vins sont des vins de garde qui peuvent reposer plus de 50 ans en cave. Les plus vieux datent de 1928 et sont tout simplement superbes ! Ils sont dotés d’une fraîcheur inouïe qui nous fait oublier l’année. Nous avons récemment dégusté un 1973 et l’un d’entre nous misait sur un 2010… Merci le terroir ! »
C’est un fait, Pierre Amillet est passionné de vin. Son « truc », c’est le chardonnay. A partir de ce cépage noble, il signe des vins qu’il est capable de reconnaître parmi tous ceux produits dans le coin, des vins qui équilibrent maturité et fraîcheur. Au Mesnil, il réalise la cuvée Les Grands Blancs, un assemblage de chardonnays issus d’une vingtaine de parcelles sur les trente-trois dont il dispose. La cuvée Les Chétillons est une vigne du Mesnil-sur-Oger vinifiée à part. Exposée vers le sud-est et peuplée d’une craie affleurante, elle engendre des vins d’une grande fraîcheur, particulièrement tendus et taillés pour la garde. A moins de deux kilomètres, à Oger, se trouve Les Vozémieux, une autre parcelle vinifiée à part qui se différencie par son orientation vers le nord et son sol d’argile reposant sur un socle de craie. Les vins qui en sourdent se montrent souvent plus ouverts dans leur jeunesse.
Son engouement pour le vin a même poussé Pierre Amillet à analyser les sols d’une parcelle argileuse du Mesnil, à arracher une belle vigne de blanc pour y planter du pinot noir afin de signer un coteaux-champenois qui devrait voir le jour à la fin de la décennie 2020.
Ce vigneron ne se repose jamais sur ses lauriers mais glane des conseils auprès de vignerons bourguignons pour comprendre et essayer, pour « extraire le meilleur du terroir ». A force d’expérimentations et de dégustations, Pierre Amillet peut se targuer de signer chaque année de très beaux vins ainsi que des cuvées millésimées. Parmi celles-ci, les 2012 et 2016 l’ont particulièrement marqué. Les avez-vous déjà goûtées chers amateurs ? Qu’en avez-vous pensé ?