Les maisons de Cognac décortiquent les tendances relevées sur la côte est américaine, aux Caraïbes et en Afrique. La priorité est aux cocktails.
Premier vignoble d’appellation de France avec 90 000 hectares plantés, Cognac est un bijou français. En 2022, les exportations ont rapporté 3,9 milliards d’euros à notre commerce extérieur (+ 9 %). Une seule ombre, tenace, voile ce tableau mirobolant : si les Américains et les Chinois en raffolent (98 % de la production partent à l’export), la célèbre eau-de-vie charentaise n’a plus la cote auprès de nos compatriotes.
Dire que la “fine à l’eau” était l’apéritif le plus populaire en France à la veille de la Seconde guerre mondiale ! Depuis, le cognac a été chassé par le whisky. Comment le réinstaller en France, son berceau ? Cette question, les 270 maisons de négoce et les 4 200 exploitants de la glorieuse AOC Cognac se la posent depuis quarante ans. Et ils ont peut-être, enfin, une piste solide.
Après avoir tout tenté en com comme en marketing, les professionnels sont convaincus d’une chose : le cognac ne reviendra pas au premier plan comme digestif. « Le verre de XO à la papa, le soir, dans un fauteuil en cuir avec son cigare, c’est terminé », reconnaît sans fard le dirigeant d’une maison établie. « C’est simple, il n’y a plus de puristes », confirme Raphaël Delpech, directeur général du BNIC.
Alors, quelle solution ? Depuis les Charentes, on observe avec gourmandise les tendances émergentes dans les zones où le cognac cartonne. Trois bassins sont scrutés : la côte est des États-Unis, les Caraïbes et l’Afrique, notamment le Nigeria et l’Afrique du Sud. Ultra-dynamiques, décomplexés, ces pays sont considérés par les experts comme des trend setters, littéralement “lanceurs de tendance”.
Lanceuses de tendance
Là-bas, la jeunesse afro-américaine de Philadelphie comme celle de Saint-Domingue, de Lagos ou de Johannesburg plébiscitent le cognac en cocktail. Le soir, les drinks à base de ginger ale (angostura, cognac et ginger ale) ou avec de la bière (cognac, jus de citron, cointreau et bière) font un malheur. « Le caractère chaud du cognac, son côté facile et sa couleur brune plaisent beaucoup là-bas », observe Raphaël Delpech. Certains attribuent même au cognac une image ou connotation “anti-Wasp” qui le rend plus attractif dans certaines parties du monde.
D’où le pari des dirigeants de Cognac : et si ces nouveaux usages s’imposaient en France ? Dans leur viseur, les communautés issues de l’Outre-mer ou d’Afrique de l’Ouest installées dans l’Hexagone. Selon toutes les études, ce sont elles qui, en 2023, ont le pouvoir de réinstaller le cognac à la place qu’il n’aurait jamais dû quitter : tout en haut de l’affiche !